Les capucins à Saint-Maurice, la force du Souffle d’Assise

19 mai 2023
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Qu’est-ce qu’un cloître ? Qui sont les Capucins et pourquoi sont-ils en terre agaunoise ? Eléments de réponse. 

L’autre soir, au souper, un apprenti bûcheron me parle d’une petite malaventure qu’il a eue au travail. Son arbre, en tombant, en a percuté un autre et a renversé des ruches. Plus d’embarras que de mal. Je lui dis ce n’est rien par rapport à ce qui s’est passé pour un apprenti dans le cloître du couvent (ce dernier avait cassé une grande baie vitrée transportée par hélicoptère). Il me dit c’est quoi un cloître ? Je me dis oh là là ! Il faut reprendre les choses pour expliquer ce que sont les religieux, ce qu’est un couvent et qui sont les Capucins… 

Les Capucins sont arrivés en Valais en 1602, envoyés par François de Sales, évêque de Genève exilé à Annecy et frère Chérubin de Maurienne. Ces frères savoyards ont passé par le Bouveret, Monthey. Puis ils se sont installés à St-Maurice dans le quartier de St-Laurent. Les chroniques racontent que les chanoines de l’Abbaye leur ont prêté un matelas. Mais malnutrition, maladie et décès ont fait qu’ils ont voulu repartir en Savoie. Le capitaine Antoine de Quartéry les a rattrapés au Palud en leur disant qu’il possédait deux maisons sous le bourg et qu’on allait construire un couvent pour eux. Ce qui fut fait en 1647 (le couvent a brûlé en 1693 et reconstruit 2 ans plus tard).

Les Capucins sont fils de saint François d’Assise, le patron des écologistes. Ils s’appellent ainsi car ces frères sont le fruit d’une réforme faite par deux frères: un ermite et un prédicateur populaire. Cette réforme a voulu revenir à l’intuition première de la Règle de saint François et a été contemporaine de celle de Martin Luther. Les Constitutions des Capucins sont de 1536. On peut dire qu’il y a un même esprit : petite communauté, à l’écart, en marge des villes, méditation et oraison source de la prédication, proximité avec le peuple. On retrouve en partie ces caractéristiques dans le couvent de St-Maurice. 

Le couvent est sous le Bourg (hors ville!), l’église en trois parties : 

1. Un chœur intérieur pour la méditation, l’oraison, 2. L’autel pour la liturgie 

3. La nef, un réfectoire et des cellules au premier étage pour les frères. Etant donné que la Constitution suisse d’inspiration radicale interdisait de construire de nouveaux couvents en Suisse, les Capucins ont agrandi ceux qu’ils avaient. C’est pourquoi à St-Maurice il a été construit un deuxième étage.. 

 
Scolasticat, Foyer franciscain, Hôtellerie franciscaine

En raison de la présence d’un collège catholique, celui de l’Abbaye de St-Maurice, les Capucins ont construit un internat, le Scolasticat dans le jardin du couvent en 1880. Ils ont demandé la permission au pape Léon XII d’ouvrir « une école séraphique ». Cette maison, une bâtisse style 1900, s’est agrandie au fil du temps, en particulier en 1940. A cette date, une annexe a été ajoutée pour répondre à l’accroissement du nombre d’étudiants : une salle de théâtre et une chapelle. Les Capucins ont fait appel au groupe de St-Luc et St-Maurice. Ce groupe a été fondé en 1919 par Alexandre Cingria et des artistes qui déclaraient : nous ne voulons plus faire du « faux-vieux », copie du roman ou du gothique, mais du moderne. C’est ainsi que St-Maurice a bénéficié d’une magnifique chapelle art-déco dans laquelle on peut voir des vitraux relatant la vie de saint François, des peintures de Paul Monnier, des émaux de Marcel Feuillat et l’architecture de Fernand Dumas. Elle vaut le détour !

Cet internat a fermé en 1970. Entre-temps, la maison 1900 a fait place à un bâtiment en béton, un modèle d’architecture des années septante. Le Scolasticat est devenu Foyer franciscain qui accueillait avec une petite structure des groupes de temps en temps. Mais problème, la maison avait été construite pour accueillir des étudiants de 12 à 20 ans. Elle était inadaptée pour loger des adultes. Que faire ? Transformer ou vendre ? Le Chapitre de la Province suisse des Capucins a pris la décision de la transformer à condition qu’il y ait un projet franciscain. 

Ces transformations par étapes ont été suivies par la constitution du Projet du Souffle d’Assise en 2004.

Le but de ce projet est de créer un espace d’accueil, de formation et de rayonnement de la spiritualité franciscaine ; de promouvoir la spiritualité franciscaine et son esprit en Suisse romande et dans le monde ; d’offrir un espace de formation, d’accueil, de rencontres, de fête pour la famille franciscaine, les églises et toute personne en quête de spiritualité au sens large, dans l’esprit d’Assise. Et par son rayonnement, chercher à bâtir la justice et la paix dans le monde. Beau programme qui se poursuit encore aujourd’hui ! L’espace d’accueil se veut très large, et il est doté de deux chambres d’accueil pour les itinérants et personnes vivants en marge de notre société. L’une d’entre elle a été financée par la Bourgeoisie de St-Maurice.

Un foyer devenu hôtellerie

En 2013, le Foyer franciscain est devenu Hôtellerie franciscaine, forte de 14 employés. Ce changement de statut a été dicté pour des raisons économiques, sachant qu’en Suisse romande, beaucoup de maisons similaires à la nôtre ont fermé. La philosophie du Souffle d’Assise veut que la question financière ne soit pas un obstacle à la participation des personnes à faible revenu aux activités de formations franciscaines. C’est là que l’écologie entre en scène. Pour assurer l’aspect économique, plusieurs mesures ont été prise. L’idée a été de diminuer les frais d’entretien des bâtiments en particulier concernant l’énergie : isolation, fenêtres, panneaux thermiques pour l’eau chaude (2000 litres à l’Hôtellerie, 1000 litres au couvent), pompe à chaleur (10 puits de 100m dans le jardin), parking, panneaux solaires (+/- 25’000 KW par an à 70 ct. le KW).

En fait, parking et panneaux solaires sont des investissements du Fonds du Souffle d’Assise qui doit prévoir entre 20 et 30 mille francs par an pour combler le déficit dues aux activités franciscaines. Ce Fonds sert aussi à subvenir en cas de besoin à l’Hôtellerie franciscaine. Cela a bien sûr été le cas durant la pandémie… Cela sera également le cas cette année, car nous allons construire un nouvel ascenseur adapté aux personnes à mobilité réduite. En effet lors de la rénovation de l’aile côté Monthey de l’Hôtellerie franciscaine, nous avions rallongé l’ascenseur existant pour permettre à une chaise roulante et une personne de se tenir à l’intérieur. Mais les temps changent et les chaises roulantes électriques n’ont plus la même dimension… 

Nous allons donc prolonger le monte-charge existant qui dessert le sous-sol et le rez-de-chaussée aux deux étages supérieurs (300’000.- !).

Et le bois alors ! Arrivant à St-Maurice, les capucins ne sont pas des moines. Ils viennent « les mains dans les poches » pour travailler et prêcher. Il faut leur trouver un logement, une grange et bien sûr de quoi se chauffer. C’est là que la Bourgeoise entre en scène en apportant des stères de bois alors que les frères ne sont pas bourgeois de St-Maurice. Cela vaut bien une choucroute…

Fr Marcel Durrer ofm cap

Article extrait de la publication « Le Bourgeois » No 4 – mai 2023